Ses yeux bleus limpides ont fait rêver des milliers de femmes et fasciné des milliers d'hommes. Quand on lui avait demandé ce qu'il voudrait qu'on écrive sur sa tombe, il avait imaginé une épitaphe pleine d'humour : "Ci-gît Paul Newman, mort en raté car ses yeux sont devenus marron'". Paul Newman est décédé vendredi. On l'a appris samedi. Il avait 83 ans.
Celui qui était l'un des plus grands acteurs américains de ces dernières décennies, mais aussi réalisateur, producteur et scénariste, restera aussi comme l'un des "50 plus beaux hommes du monde", comme l'avait élu, en 1990, le magazine People. Ou encore l'un des "100 acteurs les plus sexys de l'histoire du cinéma", comme l'avait désigné, en 1995, le magazine britannique Empire.
Ancien fumeur, Newman avait appris cette année qu'il souffrait d'un cancer du poumon. Un sujet qu'il n'aimait pas aborder. En mai dernier, un an après avoir annoncé qu'il mettait un terme à sa carrière d'acteur à cause de son âge, Newman avait démissionné de la direction de la production de la pièce de John Steinbeck, "Des Souris et des hommes", évoquant vaguement des problèmes de santé. En juin dernier, les médias avaient relayé des informations sur son hospitalisation pour un cancer. Ce que l'acteur avait plus en moins démenti, faisant savoir que "tout allait pour le mieux pour lui".
En 1956, il devient le nouveau Marlon Brando
Né dans l'Ohio, le 26 janvier 1925, Paul Newman grandit dans une famille de père juif allemand et de mère slovaque. Avant d'étudier l'art dramatique à la Yale Drama School et à l'Actors Studio (en 1952) et jouer dans plusieurs séries télévisées, Newman participe, entre 1941 et 1945, à la Seconde guerre mondiale dans le Pacifique, où il sera blessé. Un évènement qui lui interdira tout sport, sa première passion... mais lui permettra de se consacrer au théâtre.
Rapidement, il monte sur scène à Broadway. Il n'a pas 20 ans. On est en 1953, il débute dans "Picnic", de William Inge. Et tout aussi rapidement, il devient célèbre. En 1955, son rôle dans la pièce à suspense "Desperate Hours", de Joseph Hayes, lui vaut sa première vraie reconnaissance critique. Entre temps, il avait tenté sa chance à Hollywood, incarnant ainsi en 1954 son premier rôle sur grand écran, dans "Le calice d'argent", de Victor Saville.
La consécration
Mais la révélation au grand public arrive en 1956 : son deuxième film, "Marqué par la haine", inspiré de la vie du boxeur Rocky Graziano, l'impose comme un futur grand espoir du cinéma américain. Présenté alors comme un rival de Marlon Brando, il échappe très vite aux moules imposés. Joignant au magnétisme de la star la technique et la versatilité de l'acteur de composition, il évolue, à partir des années 60, vers des rôles teintés d'une désinvolture et d'un humour croissant.
Il triomphe en l'espace de quelques années dans des films aussi divers que "La chatte sur un toit brûlant" en 1958 avec Elizabeth Taylor, "Exodus" et "L'Arnaqueur", dont il reprendra le personnage dans "La Couleur de l'argent" de Martin Scorsese (avec Tom Cruise), en 1986. Ce rôle vaut l'Oscar du meilleur acteur dans un premier rôle... un an, ironiquement, après avoir été récompensé d'une statuette pour l'ensemble de sa carrière. "C'est comme avoir fait la cour à une belle femme pendant 80 ans. Elle finit par céder et l'on dit : 'je suis vraiment désolé, mais je suis fatigué'", commente-t-il à propos de cet Oscar. Car avant cela, en 1969, le triomphe de "Butch Cassidy et le Kid" le fait entrer au panthéon des grandes vedettes internationales. Il enchaîne avec "L'Arnaque", "La tour infernale", "Verdict".
Sur la liste des adversaires de Richard Nixon
Dès 1968, il s'intéresse à la mise en scène, obtenant avec "Rachel, Rachel" son premier film, le New York Film Critics Circle Award et quatre citations à l'Oscar, notamment dans la catégorie de la Meilleure actrice pour Joanne Woodward, sa 2nde femme (après Jackie Witte, qu'il avait épousée en 1949 et dont il s'était séparé en 1958). Joanne Woodward, épousée en 1958, sera de quasiment tous les films réalisés par Newman. Sur l'adultère, il avait dit : "Pourquoi s'amuser avec un hamburger quand il y a du steak à la maison ?"
En 1994, l'Académie des Oscars remet à Newman, moins présent dans le monde artistique depuis le début des années 90, une nouvelle récompense au titre de ses activités humanitaires. Car le talent de Paul Newman ne se limite pas au cinéma. Passionné de course automobile, ce père de six enfants (un garçon et deux filles de Jackie Witte, et trois filles de Joanne Woodward), a remporté la 2e place aux 24 heures du Mans en 1979. En 2005, à plus de 80 ans, il avait repris le volant au 24 Heures de Daytona.
Personnage engagé politiquement et important dans le mouvement pour les droits civiques, Paul Newman a aussi activement milité durant la guerre froide pour le contrôle des armements. Il a d'ailleurs rapidement figuré en bonne place sur la "liste noire" de Richard Nixon, l'ex président républicain des Etats-Unis. "Me retrouver sur la liste des ennemis du président Nixon fut le plus grand honneur de ma vie. Qui sait qui me met sur écoute et sur la liste de quel gouvernement je figure à présent ?", a-t-il commenté. Marqué par la décès de son fils par overdose, Paul Newman a participé à de nombreuses activités caritatives contre la drogue, et créé en 1982 une ligne de produits culinaires (sauces, pop-corn) à son effigie. Les bénéfices étaient reversés à des organisations éducatives ou sanitaires qui prennent en charge des enfants cancéreux ou atteints de maladies du sang. Les dons de la franchise avaient dépassé les 200 millions de dollars en 2006.